Le rétinoblastome (RB) est un cancer rare qui atteint l’œil des jeunes enfants de moins de cinq ans. Ce cancer peut toucher les deux yeux (RB bilatéral) dans environ 1/3 des cas et se révèle alors souvent au cours de la première année de vie. Pour 8 Mds d’habitants, 25% ayant moins de 15 ans, environ 8 500 nouveaux cas de RB apparaissent dans le monde chaque année, dont 2 000 en Afrique subsaharienne qui compte 1,2 Md d’habitants dont 40% de moins de 15 ans. C’est une tumeur rapidement progressive qui entraine le décès en quelques mois en l’absence de traitement effectif et souvent la cécité pour les survivants des formes bilatérales.

Le traitement des formes unilatérales comporte l’ablation de l’œil (énucléation avec mise en place d’une prothèse) +/- chimiothérapie et rarement radiothérapie. Pour les formes bilatérales, chimiothérapie, énucléation de l’œil le plus atteint et traitements ophtalmologiques locaux pour conserver un œil et une vision utile.

Aujourd’hui le RB est exemplaire car il est aisément curable dans les pays à haut revenu (98% de guérison depuis plus de vingt ans) mais qui comptent moins de 20% de l’ensemble des cas de RB, grâce à un diagnostic précoce dès les symptômes initiaux, leucocorie et strabisme,

Leucocorie : reflet blanc
Strabisme

à un accès rapide à une équipe compétente, à des traitements bien codifiés et appliqués sans délai et à une couverture assurantielle complète. L’OMS a inclus le RB dans les 6 cancers de l’enfant pour lesquels le programme « CureAll » espère 60% de guérison en 2030.

En Afrique subsaharienne en 2019, moins de 250 enfants sur les 2 000 cas annuels de RB guérissaient (survie +/- 15%) du fait :

  1. d’une absence de diagnostic ou d’un diagnostic tardif alors que la maladie n’est plus curable
  2. de la difficulté d’accès à une équipe formée
  3. des coûts du traitement très souvent à la charge des parents et impossibles à supporter.

Les raisons de cette disparité observée entre les pays à haut et à bas revenu (comme ceux d’Afrique subsaharienne) sur le devenir des enfants atteints d’un RB sont donc connues et certaines peuvent être modifiées rapidement.

C’est l’objectif du « Programme RB 2019-29 » de l’Alliance Mondiale Contre le Cancer (AMCC), soutenu par l’Institut Curie à Paris, qui s’adresse aux équipes Africaines d’ophtalmologie travaillant en lien avec les pédiatres formés à la cancérologie (oncopédiatres) dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire. L’AMCC, ONG dont le siège social est à l’Institut Curie à Paris, centre de référence du RB en France, a expérimenté à partir de 2011 un premier programme d’aide à la prise en charge du RB conçu avec l’équipe de Bamako au Mali. Ce programme a été mis en œuvre ensuite dans 4 autres villes dans lesquelles le Groupe Francophone Africain d’Oncopédiatrie (GFAOP), qui a une convention de partenariat avec l’AMCC, soutient une équipe autour d’un oncopédiatre.  A la suite de ce premier programme qui comprenait formations, équipement, fabrication de prothèses, incitation au diagnostic précoce, démonstration a été faite au Mali que le RB en Afrique subsaharienne n’est pas une fatalité, et que le taux de guérison peut y dépasser 80% si le diagnostic est fait précocement et que l’enfant accède rapidement à une équipe formée et équipée. De plus, quand le diagnostic est très précoce, les conséquences des traitements sont moindres et le coût est plus faible, estimé à moins de 500 dollars pour guérir un enfant en Afrique subsaharienne.

Forts de ce constat porteur d’espoir, nous avons dès 2019 étendu le programme en Afrique sub-saharienne grâce au soutien d'une Fondation Familiale Suisse.

A la fin de cette première période de cinq ans (2019-2024), des bases solides sont mises en place dans 23 pays :

  • Au moins une équipe compétente par pays avec au moins un ophtalmologiste formé (à Paris, Bamako ou à Barcelone), un oculariste formé pour la confection de prothèses oculaires sur mesure (à Paris, Bamako ou Accra) avec un local équipé pour la fabrication
  • Au moins une équipe par pays (voir la carte interactive ci-dessous) dispose du matériel pour réaliser les chirurgies d’énucléation et aussi, pour la plupart des pays, les traitements conservateurs pour les cas bilatéraux
  • Un plan de diagnostic précoce a été débuté dans la plupart des pays.
  • Enregistrement de tous les cas de RB : au moins rétrospectif avec analyse annuelle (environ 1 000 nouveaux cas attendus en 2024) et enregistrement prospectif dans la plupart des pays francophones.
    • A Bamako, où le programme a commencé en 2011, le nombre de cas en rémission/nombre de cas attendus était de 48% en 2021, ce qui est très encourageant.
    • L’objectif est d’atteindre  au moins 70% de rémission complète en 2029 dans la plupart des pays.
  • En plus des formations théoriques et pratiques déjà mises en place, un soutien complémentaire est organisé pour toutes les équipes qui en expriment le besoin, avec un compagnonnage par des ophtalmologistes plus expérimentés  dans  le  traitement  ophtalmologique  local  du  RB :  missions locales ponctuelles par des ophtalmologistes de Paris, Bamako ou Dakar et aussi accompagnement en anesthésiologie.
  • Réunions par Zoom toutes les deux semaines pour discussion des cas difficiles au diagnostic, lors de la prise en charge et de la réalisation des traitements conservateurs avec la participation d’experts de l’Institut Curie.

La 2ème partie du programme, de 2025 à 2029, soutiendra 5 actions :

  • Accroître la sensibilisation au diagnostic précoce.
  • Augmenter les lieux d’accueil des enfants en soutenant la formation de personnels dans des centres secondaires dans chaque pays.
  • Poursuivre les formations initiales et continues à travers le compagnonnage (Webconférences 2 fois/mois, workshops réguliers et missions ponctuelles sur le terrain, accès au DIU d’onco-ophtalmologie).
  • Aider à la collecte de données fiables pour l’évaluation et aide à la publication régulière des résultats.
  • Accentuer le plaidoyer et la collaboration auprès des sociétés d’ophtalmologie Africaines et auprès des instances internationales (SIOP, OMS, UICC…).

Laurence DESJARDINS, Ophtalmologiste - Karim ASSANI, Oncopédiatre - Denis MALAISE, Ophtalmologiste - Irène KRIEGEL, Anesthésiste - Allison LOUVET, Oculariste - Pierre BEY, Radiothérapeute